Le monde du sport à l’épreuve du Coronavirus

3 mars 2020

Depuis le 8 janvier 2020, première apparition du Coronavirus, dit virus Covid-19, en provenance de la province chinoise du Huan, le monde commence à prendre connaissance de l’éventualité d’une véritable pandémie mondiale.

A l’heure d’écrire ces lignes et selon un décompte réalisé par Associated Press en se basant sur les chiffres de l’OMS, plus de 3 100 personnes sont mortes de la maladie à travers le monde, et le nombre de contaminations dépasse les 87 000.

Le foyer du virus, initialement limité à l’Asie, semble reculer en Chine mais progresse fortement en Corée du Sud avec 3736 contaminations. L’Iran est particulièrement touché avec 970 personnes touchées.

Le virus touche dorénavant le continent américain avec des cas au Brésil, Mexique, Equateur et Etats-Unis qui ont déploré un premier décès dans l’état de Washington.

Sara Cody, directrice de la santé publique du comté de Santa Clara (Californie) a déclaré « Nous savons que le virus est présent ici, mais nous ne savons pas encore à quel point ».

En France, depuis le 29 févrierle stade 2 (sur 3) de l’épidémie a été atteint, selon annonce

des pouvoirs publics, 91 personnes sont touchées sur l’Hexagone.
Le ministre de la Santé, Olivier Véran, a relayé la consigne suivante « Tous les

rassemblements de plus de 5000 personnes en milieu confiné seront annulés ».
Le confinement est privilégié tout comme la nécessité d’éviter les rassemblements de foule.

Pourtant, une nouvelle victime majeure risque d’être à déplorer, celle des évènements sportifs.

Pour l’heure, l’effet collatéral du virus sur les disciplines sportives professionnelles se limite à de simples reports de rencontres : c’est le cas des matches de football du Calcio italien dont le classique Inter Milan – Juventus Turin, le match du Tournoi des Six Nations opposant l’Irlande à l’Italie, le match de basket devant opposer Strasbourg au Portel, également Villeurbanne et l’AS Monaco…

Le semi-marathon de Paris qui se tenait le 1er mars et qui rassemble généralement plus de 40.000 participants a été reporté à une date ultérieure, quelques heures avant son départ, provoquant un vague de colère chez les participants.

A contrario, d’autres évènements sportifs ont pu se tenir, c’est le cas en France avec notamment le 8e de finale aller de la Ligue des Champions, OL – Juventus Turin le mardi 25 février ou le match de Top 14, Racing 92 – La Rochelle ce week-end.

A titre d’exemple, pour tenter d’endiguer la propagation du virus, la FFF a modifié le protocole d’avant-match en demandant d’éviter les poignées de mains entre les joueurs, entraîneurs et arbitres pour la Ligue 1.

Mais cette consigne sanitaire suffira t’elle ?

Car en effet, le spectre d’annulations successives de rencontres demeure et pourrait toucher, non plus l’accès au stade pour les spectateurs mais ni plus ni moins que la tenue de grandes compétitions majeures, au premier rang desquelles, les JO d’été à Tokyo, mais également l’Euro de football qui débute dans un peu plus de 100 jours.

Une question se pose donc, dans l’éventualité d’une propagation du virus, les évènements sportifs vont-ils être impactés, voir pire, annulés ?

Travellers pass by a logo of the 2020 UEFA European Football Championship displayed on a wall inside Bucharest Henri Coanda International Airport, in Otopeni, Romania, March 16, 2020. Inquam Photos/Octav Ganea via REUTERS ATTENTION EDITORS – THIS IMAGE WAS PROVIDED BY A THIRD PARTY. ROMANIA OUT. NO COMMERCIAL OR EDITORIAL SALES IN ROMANIA

Le cas de l’Euro de Football

« L’Euro 2020 donnera son coup d’envoi le 12 juin 2020 à Rome » (Porte- parole de l’UEFA au journal The Guardian)

L’instance dirigeante européenne, l’UEFA, se garde bien de prendre une décision trop hâtive, et tente de se montrer rassurante sur la tenue du Championnat d’Europe, qui fêtera son 60e anniversaire.

Michele Uva, vice-président de l’UEFA, a précisé que l’instance européenne est «dans une phase d’observation, nous contrôlons pays par pays. Le foot doit suivre les indications des gouvernements de chaque État et les compétitions ne seront bloquées que si la situation devait s’aggraver

Pour l’édition 2020, il faut dire que la complexité, tout comme le stade de gravité, est monté d’un cran : l’Euro 2020 sera organisé dans 12 pays et villes différents (Londres (demi finale et finale), RomeBakouSaint-PétersbourgCopenhagueBucarestDublinBilbaoBudapestMunichAmsterdam et Glasgow), soit potentiellement, plusieurs dizaines de millions de personnes touchées directement ou indirectement sur l’ensemble du continent européen au cours du mois de compétition.

En effet, l’Euro de football sera l’occasion de flux massifs de supporters à travers l’Europe qui vont inévitablement multiplier les risques de contamination et de propagation si la progression n’est pas enrayée dans les prochaines semaines.

Un report de la compétition serait-il possible ?

Pour le moment, il est impossible de répondre à cette question, mais il est relativement acquis qu’un report de l’Euro 2020 ne pourrait pas simplement se faire au cours de l’été 2020, soit à peine 2 mois plus tard, et ne serait envisageable qu’à partir de l’automne 2020.

Néanmoins, cette dernière date demeure problématique car elle correspond à la période de tenue des championnats domestiques qui auront (normalement) repris dès le mois d’août.

Par conséquent, et hors l’éventualité d’un report de ces championnats domestiques, il y a tout lieu d’envisager dans un tel cas, le report de l’Euro 2020 de Football au cours de l’été 2021, en remplacement de l’édition de la Ligue des Nations 2021.

Surtout, l’éventualité d’une annulation de l’édition 2020 de l’Euro serait un désastre économique pour l’UEFA, les 12 pays hôtes, les annonceurs et les partenaires économiques qui perdraient une manne financière non remplaçable.

A cet égard, il semble d’ores et déjà nécessaire d’exclure l’éventualité d’une tenue de l’Euro 2020 dans des stades à huis clos, tant l’intérêt du spectacle sportif et télévisuel est en large partie offert par les stades prestigieux à guichets fermés.

L’alternative possible sera de modifier les conditions d’accueil et d’accès aux stades sur le modèle du Grand prix de moto de Bangkok, où la première épreuve du Championnat du monde est prévue du 20 au 22 mars : les organisateurs ont mis en oeuvre des mesures de précaution sanitaire spéciale : contrôle des spectateurs via des scanners thermiques aux entrées et mise à disposition de gel hydroalcoolique. Une application mobile dédiée les tiendra informés de la situation en temps réel.

Le huis-clos reste donc, pour le moment exclu. Néanmoins, si cette éventualité se matérialisait, les publicitaires et les diffuseurs renégocieraient drastiquement à la baisse les contrats de diffusion.

Cette alternative, si elle demeure sur la table, devrait, nous l’espérons, ne pas prospérer.

Le cas des JO de Tokyo (24 juillet – 9 août)

« Nous serons en mesure d’organiser des JO sûrs » (Shinzo Abe, Premier ministre japonais)

Le coronavirus touche également le Japon : à l’heure actuelle, 851 cas ont été identifiés, dont 691 concernent des personnes qui se trouvaient à bord du navire de croisière « Diamond Princess ».

Proche voisin des pays largement contaminés que sont la Chine et la Corée du Sud, le Japon se retrouve dans une situation insoluble à 5 mois du coup d’envoi des JO.

Il lui est impossible économiquement d’envisager une modification de l’évènement, avec 12 milliards d’euros investis dans l’organisation, une annulation ou un changement de lieux coûteraient très cher à la capitale nipponne.

Surtout, tout report semble déjà exclu par le Comité Olympique International (CIO), organisateur de l’évènement, par la voix de Monsieur Dick Pound, son plus ancien membre.

« Vous ne pouvez simplement pas reporter un événement de la taille des JO. Il y a tellement de composantes, de pays, de compétitions, vous ne pouvez pas dire : “nous le ferons en octobre”. »

Problème pour les athlètes, le processus de qualification des JO est déjà en cours, et certaines compétitions ont déjà été annulées :

  • Boxe, qualifications pour les JO de Tokyo: prévu initialement du 3 au 14 février à Wuhan, le tournoi a été reprogrammé à Amman (Jordanie) du 3 au 11 mars.
  • Football féminin, qualifications pour les JO de Tokyo : les rencontres prévues du 3 au 9 février à Wuhan entre la Chine, Taïwan, la Thaïlande et l’Australie, ont d’abord été délocalisées à Nankin (est). Avant d’être finalement déplacées à Sydney (Australie)
  • Basket féminin, qualification pour les JO de Tokyo : le tournoi programmé du 6 au 9 février à Foshan (est de la Chine) a été déplacé à Belgrade aux mêmes dates. La Chine devait accueillir la Grande-Bretagne, l’Espagne et la Corée du Sud pour un tournoi délivrant trois places pour les JO.

Il y a tout lieu d’espérer pour le contingent tricolore, que la tenue de cet évènement ne sera pas remise en question, tant certaines disciplines, comme – entres autres – le football, le décathlon, le tir, la natation, l’escrime, le judo, le tennis, le basket-ball sont à même de ramener des médailles.

Et vos droits dans tout ça ?

Une difficulté récurrente va surgir dans l’éventualité d’une annulation d’une compétition internationale alors qu’un spectateur a déjà réservé ses billets pour le match, son vol ou ses nuits d’hôtel.

Peut-il en obtenir le remboursement ?

  • En cas d’achat de billets de matchs

Prenons le cas de l’Euro 2020 de Football qui mettra en ligne au 04 mars 2020 la vente des billets.

Il est nécessaire de se tourner les Conditions Générales de Vente (CGV) pour connaitre la marche à suivre pour le spectateur (appelé demandeur) en cas de propagation du Coronavirus.

L’article 14 du règlement s’intitule « Cas non prévus », il énonce :

Les Parties de l’UEFA, l’Association organisatrice concernée et/ou le Propriétaire du Stade se réservent le droit de modifier l’heure, la date et le lieu de l’UEFA EURO 2020TM et/ou du/des Match(es) dans toute circonstance imprévue : force majeure, raisons de sécurité et/ou décision de toute autorité compétente ayant un impact sur l’organisation du Match au Stade.

Cet article liste 3 situations imprévues : force majeure, raisons de sécurité et/ou décision de toute autorité compétente ayant un impact sur l’organisation du Match au Stade.

L’éventualité d’une épidémie de coronavirus semble s’insérer indistinctement dans le champ d’application de ces 3 conditions, avec une prédominance pour la condition de “raisons de sécurité”, laquelle englobe la santé publique.

Plus précisément, l’article 14.2 offre à l’acheteur un droit de remboursement de ses places en cas « d’annulation, d’arrêt, de report ou de répétition du Match ».

Ce droit est soumis aux conditions suivantes :

– le remboursement ne peut être effectué qu’au Demandeur retenu (et non au Détenteur de billet) et seulement à concurrence du prix d’achat du/des billet(s) versé par le demandeur retenu.

– ni les Parties de l’UEFA, ni l’Association organisatrice concernée, ni l’ANP en question, ni le Propriétaire du stade ne sauraient être tenus pour responsables vis-à-vis du Demandeur retenu, de son/ses Invité(s) ou du Détenteur de billet de tout arrêt, annulation, report ou répétition du Match, ni de tout manquement ou carence dans le déroulement du Match

  • En cas de contrats de vente de voyage et de séjour

La réponse (positive) est donnée par l’article L211-14 du Code du tourisme qui dispose : “Le voyageur a le droit de résoudre le contrat avant le début du voyage ou du séjour sans payer de frais de résolution, si des circonstances exceptionnelles et inévitables, survenant au lieu de destination ou à proximité immédiate de celui-ci, ont des conséquences importantes sur l’exécution du contrat ou sur le transport des passagers vers le lieu de destination. Dans ce cas, le voyageur a droit au remboursement intégral des paiements effectués mais pas à un dédommagement supplémentaire.”

Dans cet article, il est question de « circonstances exceptionnelles et inévitables », dans lesquelles, l’éventualité d’une épidémie de coronavirus pourrait également s’insérer.

Attention cependant à la notion de “proximité immédiate” de la zone qui fera débat avec le voyagiste selon que vous soyez proche ou non d’un épicentre de contagion.

  • En cas de contrat de réservation de nuitées, type AirBnB.

Le Coronavirus est entendu contractuellement par le groupe Airbnb comme un

« événement de force majeure ».
À la lecture de la politique contractuelle du groupe Airbnb, une distinction est faite entre les

personnes contaminées ou non :

– Le droit à annulation et remboursement couvre les hôtes et les voyageurs qui sont contaminés par l’épidémie de coronavirus et qui ont des réservations admissibles.

– Le droit à annulation et remboursement couvre les voyageurs et hôtes situés dans une zone gravement touchée, à condition pour le groupe AirBnB de vérifier l’emplacement et les détails de la réservation.

Dans le 1er cas, le remboursement intégral est offert au voyageur contaminé.
Dans le 2nd cas, le remboursement intégral est offert sur justification de sa localisation.

LIENS :
Version LinkedIn

simon-renault (1)

Simon Renault

Avocat et mandataire sportif, spécialisé dans le droit du Sport, de l’Immobilier, de la Santé et de la Responsabilité Civile.

Vous souhaitez effectuer une nouvelle recherche ?

Share This